Le parcours du combattant des filles au Soudan
Publié le 20/06/2025


Imagine : tu te réveilles un matin la peur au ventre. Tu dois partir de chez toi en urgence, sans savoir si tu pourras revenir et en laissant toutes tes affaires derrière toi.
C’est ce que vivent aujourd’hui des millions de filles au Soudan, un pays ravagé par un conflit qui dure depuis plus de deux ans. Il s’agit de la crise humanitaire la plus importante et dévastatrice au monde. Pourtant, elle reste largement ignorée dans les médias. De nombreuses Soudanaises se battent chaque jour pour survivre sans perspective d’avenir.
Une crise sans précédent
Depuis avril 2023, le Soudan est plongé dans un conflit violent qui a bouleversé la vie de millions de personnes. Et comme souvent en temps de crise, les filles en paient le prix fort.
Fatima, 15 ans, a fui son domicile au Darfour en juin 2023. Elle vit aujourd’hui dans un camp de réfugié·e·s à Adré, au Tchad. « Il était très difficile de rester là-bas à cause des combats, » raconte-t-elle. « Nous ne croyons plus à un retour de la paix et avons perdu tout espoir. Heureusement que ma famille est saine et sauve, car beaucoup d’autres personnes ont été tuées en chemin. »
Le conflit au Soudan a forcé plus de 12 millions de personnes à se déplacer, dont 8,6 millions à l’intérieur même du pays. Près de 3,7 millions de personnes sont parties chercher refuge dans des pays voisins comme le Tchad, le Soudan du Sud ou encore l’Égypte. Beaucoup d’entre elles ne savent pas si elles pourront un jour rentrer chez elles.

D’autres, comme Weam, 16 ans, ont choisi de rester dans le pays, mais en se déplaçant dans des conditions extrêmes. « Ma famille et moi avons dû fuir en urgence dans un camion avec 15 autres familles, » explique-t-elle. « Le soleil tapait fort et le voyage était très dur. À Gerba, il n’y avait nulle part où loger, alors nous avons dormi dans un bureau vide, sans porte ni fenêtres. »
Être une fille réfugiée au Soudan aujourd’hui, c’est vivre dans l’insécurité permanente. Non seulement, elles font face à des traumatismes profonds et un quotidien où il faut sans cesse se battre pour survivre, mais aussi aux violences sexistes aggravées par le conflit.
Depuis le début des affrontements, ce type de violence a triplé. On parle de viols utilisés comme armes de guerre, mais aussi d’enlèvements et de mutilations… On estime que près de 12 millions de personnes sont aujourd’hui exposées à ces violences.

Que se passe-t-il au Soudan ?
Depuis le 15 avril 2023, le pays est en proie à un conflit opposant l'armée soudanaise et la milice paramilitaire des FSR (Forces de Soutien Rapide). Depuis le coup d’Etat de 2021, deux généraux rivaux et leurs sympathisants s’affrontent pour le contrôle du pays et l’intégration des FSR dans l’armée régulière. Tout cela s’ajoute à des décennies de conflits internes, notamment au Darfour.
Nourriture et hygiène : une urgence vitale
Que ce soit à l’intérieur du Soudan ou dans les pays voisins, les conditions de vie sont extrêmement dures. Les camps sont surpeuplés et les ressources sont limitées, parfois même inexistantes. Aujourd’hui, plus de la moitié de la population soudanaise souffre d’une faim sévère d’après les derniers rapports.
Mehad, 16 ans, a fui le Soudan l’année dernière. Elle vit aussi dans un camp à Adré. Si elle est physiquement en sécurité, les défis restent énormes : « Ici, il n’y a pas beaucoup de nourriture. On reçoit moins d’aide et ce qu’on reçoit ne nous suffit pas pour vivre. »
Mais le manque de nourriture n’est qu’une partie du problème. Pour les filles, l’accès à l’hygiène est aussi un vrai combat au quotidien.

Fatima décrit la situation dans ce camp : « Certaines filles sont en mauvaise santé. C’est lorsqu’elles ont leurs règles qu’elles souffrent le plus. Elles n’ont pas de serviettes hygiéniques. Et il n’y a pas assez d’eau pour se laver ou prendre une douche. »
Hanady, 17 ans, qui vit aussi à Adré, avec son frère aîné, ajoute :
Gérer mes règles ici, c’est vraiment difficile. Je dépends de mon frère. Quand il travaille au marché, il m’achète des serviettes hygiéniques. Sinon, je n’ai rien. Je ne connais personne ici. Ce dont j’ai besoin, c’est de serviettes, de médicaments, de kits d’hygiène. Il n’y a pas assez d’eau pour nous et les toilettes ne sont pas adaptées.

L’hygiène menstruelle, pourtant essentielle, est encore un sujet trop invisible. Pour ces adolescentes, ce n’est pas seulement une question de confort. C’est une question de santé, de dignité, de droits humains.
L’éducation en perdition : une génération oubliée
Au Soudan, 16,5 millions d’enfants d’âge moyen, dont de nombreuses filles, ne vont plus du tout à l’école. Beaucoup sont forcé·e·s d’arrêter leurs études à cause du manque de sécurité, de nourriture ou de soins de santé. « J’ai peur de ne pas pouvoir finir mes études. Que la situation continue de se détériorer et devienne encore plus difficile », s’inquiète Fatima.
Dans les camps de réfugié·e·s, très peu d’enfants ont accès à une éducation formelle, c’est-à-dire l’école. « Je ne fais rien ici à part prier, cuisiner et voir des ami·e·s, c’est comme ça que je passe mon temps, » déplore Hanady. « Je veux aller à l’école, c’est le seul moyen d’avoir une vie meilleure. »
Résultat : ces enfants sont beaucoup plus exposé·e·s à des risques de mariage forcé, de travail d’enfant ou même de recrutement par des groupes armés.
Pourquoi agir maintenant pour l’avenir des filles ?
Quand une crise humanitaire frappe un pays, les filles sont doublement défavorisées… tout simplement parce qu’elles sont jeunes et qu’elles sont des filles.
Elles sont plus souvent déscolarisées et risquent davantage de subir des violences sexuelles ou d’être mariées de force. Et même longtemps après, des cicatrices invisibles et traumatismes psychologiques peuvent persister.
Voilà pourquoi l’aide humanitaire doit s’adapter aux besoins spécifiques des filles :
- leur garantir un endroit sûr où vivre
- leur permettre de retourner à l’école
- leur fournir un soutien psychologique pour dépasser leur traumatisme
- leur donner accès à des sanitaires, des produits d’hygiène et des soins adaptés.
Que fait Plan International ?
Plan International est présente au Soudan depuis près de 45 ans. Nos projets visent à protéger les filles des violences, de l’exploitation sexuelle, des abus… et leur permettre de s’épanouir en sécurité et reprendre contrôle de leur vie, même en temps de crise.
Depuis mai 2023, notre ONG intervient aussi dans la crise des réfugié·e·s au Tchad, avec un bureau à Adré, qui se concentre sur l’éducation et la protection des enfants en situation d’urgence. Nos unités mobiles de protection de l’enfance offrent des services de protection essentiels, notamment des premiers soins psychologiques, des activités récréatives et un espace pour aider les enfants à sociabiliser et vivre enfin… comme des enfants.
Mehad, 16 ans, a gagné en joie de vivre et en confiance en elle en fréquentant l’unité quelques heures par semaines : « J’y retrouve mes ami·e·s. Ils et elles me donnent des conseils que je partage avec d’autres personnes que je rencontre. J’aime les cours et jouer au volley-ball. L’école me manque, mais ici j’apprends par exemple à communiquer avec les autres et créer des liens. »
Mobilise-toi pour les filles en situation de crise
Ce n’est pas parce que tu vis loin que tu ne peux pas faire la différence.
Partout dans le monde, des filles sont confrontées à des conflits, à la faim, à la violence et aux discriminations. Mais toi aussi, tu peux agir.
Fais un don à notre fonds humanitaire et contribue à nos actions.