Actualités Notre enquête sur l’état d’esprit des jeunes réfugié·e·s d’Ukraine
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Plan International enquête sur l’état d’esprit des jeunes réfugié·e·s d’Ukraine

Ukraine (2)

Plan International mène actuellement dans le monde une série d’enquêtes autour du thème «Adolescent Girls in Crisis». Celles-ci recueillent les voix et les expériences d'adolescentes âgées de 10 à 19 ans dans diverses situations de crise prolongée.

C’est dans ce contexte que Plan International publie le rapport de l’enquête menée en Ukraine, en Pologne et en Roumanie entre août et octobre 2023 auprès de 135 adolescentes, 36 adolescents, 30 personnes s'occupant d'adolescents et 15 acteurs clés.

Le rapport a pour but d’amplifier les voix et les perceptions des jeunes réfugié·e·s d’Ukraine dans le contexte du conflit en Ukraine. Il présente également leurs points de vue sur la façon dont la communauté internationale devrait réagir pour les soutenir.

Il en ressort 6 points clés :

1) Les jeunes réfugié·e·s ont du mal à obtenir le soutien nécessaire en matière de santé mentale.

Elles et ils montrent des signes d'impacts psychologiques durables de leurs expériences de la guerre, notamment des niveaux élevés de stress et d'anxiété, des difficultés à dormir et des émotions fluctuantes. Elles et ils souffrent d’un manque important d'accès à des services de santé mentale spécialisés et du fait que les services gratuits sont peu connus et peu accessibles.

Parfois, j'ai l'impression que la guerre n'est pas seulement à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur de ma tête.

Olesya, jeune Ukrainienne

2) Les adolescentes ne se sentent pas en sécurité. En raison du conflit, mais aussi à cause des violences fondées sur le genre.

Celles qui vivent près de la ligne de front en Ukraine sont confrontées à des risques accrus en matière de sécurité. Tandis qu’en Pologne et en Roumanie, les jeunes réfugiées déclarent subir des taux alarmants de harcèlement et d'agression sexuels en ligne et dans les espaces publics. Les jeunes filles et garçons hésitent également à assumer leur identité de genre ou leur orientation sexuelle par peur de la stigmatisation et de la discrimination. Par crainte, par exemple, de rencontrer des difficultés à trouver un abri sûr ou à accéder aux services de base.

J'ai peur de me promener seule à cause des histoires d'agressions.

Jisu, jeune Ukrainienne réfugiée en Pologne

3) Les adolescentes ont du mal à accéder à des informations et à des services de santé sexuelle et reproductive de qualité et abordables.

Les tabous et la désinformation autour de la santé sexuelle et reproductive, déjà présents avant l'escalade de la guerre en Ukraine, persistent. L'éducation sexuelle est encore plus limitée du fait des cours en ligne. Les adolescentes déclarent ne pas savoir où accéder à des services de santé sexuelle et reproductive abordables ou à des informations sur leur santé sexuelle et reproductive.

4) Les jeunes sont préoccupé·e·s par les conséquences de leur scolarité perturbée.

En comptant la crise du Covid-19, c’est la cinquième année consécutive de perturbations scolaires pour les élèves ukrainien·ne·s. Entraînant des inquiétudes légitimes sur la manière dont cela influencera leur accès à d'autres possibilités d'études et d'emploi. Des cours en ligne sont souvent disponibles, mais les jeunes ont déclaré avoir rencontré de sérieuses difficultés avec ce mode d'apprentissage. Et pour celles et ceux qui ont été déplacé·e·s au-delà des frontières, les difficultés d'apprentissage des langues locales constituent un obstacle majeur à la réussite scolaire.

Je n'ai pas pu aller à l'école pendant des mois lorsque nous avons été déplacés. Je n'avais pas d'ordinateur portable ni d'internet. Nous avons tout laissé derrière nous. On n’avait plus rien.

Hanna, jeune Ukrainienne


5) La guerre renforce les rôles traditionnels des hommes et des femmes mais offre aussi des opportunités de les remettre en question.

La perturbation des ménages due à la guerre a créé des charges supplémentaires, en particulier pour les femmes qui assument le rôle traditionnel de soignantes. Cependant, elle a également démontré leur capacité à être des cheffes et soutiens de famille, remettant ainsi en cause certains stéréotypes en matière de genre.

Aujourd'hui, beaucoup d'hommes sont partis en première ligne, et la vie civile repose donc en grande partie sur les femmes. Je pense que cela les aide à prendre conscience de leur indépendance et de leur capacité à agir.

Emiliya, jeune Ukrainienne


6) Les jeunes veulent contribuer à la reconstruction d'une Ukraine plus inclusive.

Le rapport met également en évidence la formidable résilience des jeunes face à l’adversité.
Au-delà des aspects pratiques de la reconstruction d'après-guerre, les jeunes d'Ukraine veulent donner la priorité à la santé mentale, à l'éducation et à la création d'une société permettant à toutes et tous de s’épanouir dans leur diversité. Souvent exclues des processus de prise de décision, les adolescentes ont démontré le rôle crucial qu'elles devraient pouvoir jouer dans la reconstruction de l'Ukraine.  

Nous les jeunes, nous sommes l'avenir de l'Ukraine. Nous sommes très compétent·e·s dans de nombreux domaines, ce qui nous permettra de faire progresser notre pays. Je m'améliore et j'améliore ceux et celles qui m’entourent en faisant preuve chaque jour d'une attitude positive pour m'assurer que je représente bien mon pays en Ukraine et dans toute l'Europe
Katerina, adolescente ukrainienne.

Résilience malgré les restrictions et regard tourné vers l’avenir 

Si les jeunes réfugié·e·s d’Ukraine traversent cette crise avec détermination et résilience, elles et ils subissent néanmoins des restrictions dommageables dans leur accès à des services essentiels de santé mentale, de santé sexuelle et reproductive et d'éducation. Déjà confronté·e·s à des niveaux élevés d’anxiété dus à l'expérience de la guerre et des déplacements, elles et ils doivent également faire face à de multiples facteurs de stress additionnel : menaces pour leur sécurité et taux alarmants de violence sexuelle, pertes d'apprentissage, isolement social, difficultés d'intégration et obligation d’endosser des responsabilités d'adultes.
Mais tout cela n’empêche pas les jeunes ukrainien·ne·s de savoir ce dont elles et ils ont besoin, non seulement pour supporter la guerre, mais aussi pour (se) construire un avenir sûr, sain et plus égalitaire pour tous. À ce titre, elles et ils doivent être écouté·e·s et associé·e·s aux processus décisionnels.

Les recommandations des jeunes Ukrainien·ne·s en matière d’assistance

- Il faut renforcer la résilience des systèmes de protection de l'enfance, d'éducation et de santé.

- Il faut d’urgence développer les services de santé mentale et de soutien psychosocial disponibles gratuitement pour les adolescentes et leurs soignant·e·s en ukrainien et en russe. Et mettre en place une vaste campagne d'information multilingue de sensibilisation à ce sujet.

- Il faut élaborer des stratégies localisées pour remédier aux pertes d'apprentissage significatives, qui sont particulièrement graves dans les zones reculées, et proposer des activités pour améliorer les compétences en matière de socialisation et la cohésion sociale des adolescent·e·s.

- Il faut étendre la prévention des violences basées sur le genre aux programmes de sensibilisation à la sécurité en ligne afin de protéger les adolescentes des risques croissants d'exploitation et d'abus sexuels en ligne et en personne, ainsi que de la traite des êtres humains.

- Il faut faire de l'éducation sexuelle, des relations respectueuses et de la prévention de la violence fondée sur le genre dès le plus jeune âge des éléments standard du programme scolaire.

- Il faut promouvoir la participation directe des adolescentes et des jeunes femmes dans toute leur diversité à tous les forums de prise de décision, y compris par la mise en place de mécanismes consultatifs spécifiques. Cette participation doit être assurée pour les personnes les plus marginalisées, telles que les membres de la communauté rom, les personnes LGBTIQ+ et les jeunes handicapé·e·s.