Mariage d’enfants : stop aux enfances volées !

Forcée de se marier à un voisin, *Parmin, une jeune fille Rohingya 13 ans, a réussi à annuler le mariage en poursuivant ses études au Bangladesh.

Actuellement, plus de 650 millions de femmes et de filles dans le monde ont été arrachées à leurs rêves d’enfants en étant mariées avant 18 ans. Le mariage d’enfants, c’est une violation des droits des filles qui les empêche d’aller à l’école, limite leur accès aux soins de santé et les pousse à devenir mamans trop jeunes. Quelles en sont les causes et les conséquences ? Quelles sont les actions menées par Plan International pour lutter contre ce problème ? Réponses sur cette page. 

Imagine : ta sœur de 13 ans ne pourra plus jamais aller à l’école, car elle se marie demain. Totalement dingue, non ? C’est pourtant la réalité de 12 millions de filles mineures chaque année dans le monde. Pour te donner l’ampleur, toutes les 3 secondes, une fille voit son enfance stoppée net. 

Se marier enfant, ce n’est pas décider de sa vie, c’est la subir. Derrière les chiffres, il y a des visages et des parcours de vie brisés : des enfants et adolescentes qui voulaient devenir médecins, athlètes, scientifiques ou artistes, et qui se retrouvent piégées dans une vie d’adulte beaucoup trop tôt. 

Pourquoi cette pratique persiste-t-elle encore aujourd’hui ? Et surtout, comment la combattre ? Sur cette page, on décrypte ses causes profondes, ses conséquences dévastatrices et les solutions concrètes qui peuvent être mises en place pour y mettre fin. 

Définition du mariage précoce et du mariage forcé 

Mariage forcé, mariage arrangé : comment les distinguer ? 

Un mariage forcé est une union imposée, conclue sans le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Concrètement, cela signifie que l’une d’elles n’a pas la possibilité réelle de choisir, qu’elle subit des pressions familiales, du chantage, des menaces, des violences, ou que son « oui » est faussé par la peur ou la tromperie. Si la personne est mineure ou n’a pas la capacité de consentir librement, le consentement n’est pas valable. 

Un mariage dit « arrangé » est lui décidé par les familles. Elles présentent les futur·e·s conjoint·e·s et peuvent organiser la rencontre, mais la décision finale appartient aux intéressé·e·s. Ils et elles doivent pouvoir accepter, refuser ou rompre, sans pression ni sanction. À partir du moment où cette liberté n’existe pas, le mariage devient forcé. 

Il existe aussi ce qu'on appelle des unions informelles. Elles sont en tout point équivalentes à des mariages, mais n’en ont pas le statut juridique car elles ne sont pas officialisées par des autorités publiques ou religieuses. Dans de nombreux cas, des mariages d’enfants, précoces et forcés sont pratiqués via ce type d’union. Mais il est difficile de les recenser ou recueillir des données sur le sujet vu leur statut non officiel. Les unions informelles sont particulièrement répandues en Amérique latine ou dans les Caraïbes, par exemple. 

Sefora était une adolescente du Guatemala comme les autres : elle allait à l'école, passait du temps avec ses amies et se réjouissait à l'idée de devenir une jeune adulte. Mais tout a changé lorsque ses parents lui ont demandé de conclure une union informelle avec un garçon de son village. 

« Je ne sais pas ce qui m'est passé par la tête. Mes parents n'étaient jamais à la maison et nous n'avions rien à manger, alors accepter cette union était un moyen d'avoir un toit et de quoi manger », explique Sefora. « Pour mes parents, il était important d'être en union. On m'a demandé si j'étais d'accord, et j'ai dit oui. » 

Sans vraiment comprendre ce à quoi elle consentait, Sefora s'est rapidement rendu compte que toute sa vie avait changé. Aujourd’hui, à 18 ans, elle est déjà maman d’une fille de 3 ans. « La vie d'une femme mariée est différente et plus difficile que je ne l'imaginais. Je ne suis plus la même, car on ne peut plus faire ce qu'on veut. »  

Sefora, 18 ans, et sa fille de 3 ans, qu’elle a eue après une union informelle au Guatemala.

Et le mariage d’enfants ? 

On parle de mariage d’enfants ou de mariage précoce lorsqu’une des deux personnes a moins de 18 ans. Le critère, c’est donc l’âge. 

Même si certaines unions impliquant des mineur·e·s sont présentées comme « consenties », la réalité est différente : entre la pression familiale, sociale ou économique et le fait qu’un·e enfant n’a pas la capacité légale de donner un consentement libre et éclairé, ces mariages sont presque toujours forcés. 

En résumé, un mariage forcé et un mariage précoce ne sont donc pas synonymes, même si dans la majorité des cas, ces deux notions se recoupent souvent. 

Causes profondes du mariage d’enfants 

Il existe plusieurs raisons qui peuvent conduire une famille à pousser, influencer ou même forcer son enfant à se marier. Cela peut être une crise économique soudaine, une grossesse mal vue, des traditions qui autorisent les unions précoces, ou encore la faible valorisation de l’école pour les filles.  

Ces facteurs se renforcent souvent. Dans une région déjà précarisée, une catastrophe naturelle ou une flambée des prix peut précipiter des décisions présentées comme « plus sûres », mais qui coupent court à l’enfance. Le mariage d’enfants est donc un phénomène multifactoriel, ancré dans l’inégalité de genre et aggravé par la pauvreté, les normes sociales, l’insécurité et l’accès limité à l’éducation. 

1. Pauvreté et insécurité économique

La pauvreté est l’une des principales causes du mariage d’enfants. Lorsqu’une famille lutte pour boucler les fins de mois, marier une fille jeune peut sembler une stratégie de survie : c’est un moyen de réduire le nombre de bouches à nourrir ou de recevoir une dot - c’est-à-dire une somme d’argent, des biens ou du bétail offerts par la famille du mari -, qui soulage temporairement la situation. 

Mais, au bout du compte : adieu les cours et les rêves de carrière… et la famille de la jeune fille reste coincée dans la galère. 

À cette pauvreté structurelle s’ajoute souvent l’insécurité économique. Même dans des ménages qui n’étaient pas en grande précarité, un choc brutal (perte d’emploi, montée des prix des aliments, catastrophe climatique) peut pousser les parents à prendre des décisions désespérées.  

Dans ces moments d’incertitude, le mariage est parfois perçu comme une solution pour garantir la « sécurité » d’une fille ou alléger la charge familiale. 

L’école : la clé pour briser la spirale pauvreté-mariage 

Le savais-tu ? Chaque année supplémentaire passée à l’école réduit le risque de mariage d’enfant et augmente les perspectives économiques futures. Et lorsque les filles ont accès à l’éducation et aux moyens de subsistance, elles contribuent davantage à la résilience économique de leur famille, brisant ainsi le cercle pauvreté–mariage–pauvreté. 

En Tanzanie, la famille de Christina était convaincue que le mariage était le seul moyen de se sortir de difficultés financières. Contrainte d'abandonner l'école, elle craignait de subir le même sort que sa sœur, mariée de force pour payer les frais médicaux de leur grand-père.  

Heureusement, elle a été repérée par un projet de Plan International et encouragée à rejoindre un club pour les enfants non scolarisés. Ses membres ont facilité son entrée à l'école secondaire et l’ont aidée à rattraper son retard.  

« Retourner à l'école a changé ma vie. Je suis tellement heureuse d'être ici. Je sais que l'éducation est mon moyen de sortir de la pauvreté et ma chance d'aider d'autres filles à éviter le même sort. Je ne laisserai rien se mettre en travers de mon chemin », dit fièrement Christina. 

Christina, en Tanzanie, a réussi à éviter le mariage forcé et a pu retourner à l'école

2. Normes sociales et genre

Au-delà de la pauvreté, le poids des traditions et des normes sociales pèse encore trop lourd dans la persistance du mariage d’enfants. Dans beaucoup de communautés, la « valeur » d’une fille est encore trop souvent réduite à son rôle d’épouse et de mère. Comme si ses rêves, ses envies ou son avenir ne comptaient pas. 

Le mariage précoce est aussi perçu comme un moyen de préserver « l’honneur » familial en cas de grossesse, de contrôler la sexualité des adolescentes et d’éviter les grossesses « hors mariage », fortement stigmatisées.

Ces normes sexistes s’accompagnent de pressions sociales très concrètes. Une fille qui n’est pas mariée tôt peut être considérée comme un « fardeau », une honte pour sa famille, ou même une menace à la réputation du foyer. Dans certains contextes, la communauté exerce une pression directe sur les parents pour qu’ils arrangent rapidement l’union de leurs filles.

Il existe par ailleurs un lien entre éducation et représentations sociales. Quand l’école n’est pas valorisée pour les filles, leur avenir est limité au foyer et le mariage devient une évidence imposée. À l’inverse, là où les filles sont encouragées à poursuivre leurs études, ces normes évoluent : on reconnaît leur droit à rêver d’un autre futur et donner la priorité à leurs projets scolaires, professionnels ou personnels.  

Ces normes ne concernent pas que les familles, elles sont aussi renforcées par des lois coutumières ou religieuses qui tolèrent ou même encouragent le mariage précoce. Par exemple, dans certaines communautés, la tradition veut qu’une fille soit mariée dès ses premières règles ou qu’un mariage arrangé soit permis en dessous de 18 ans avec le consentement parental ou religieux, même quand la loi civile l’interdit.  

Changer les choses veut donc dire mener deux combats à la fois : casser les stéréotypes qui enferment les filles et faire évoluer les lois qui continuent de les bloquer.  

3. Conflits, crises et catastrophes, y compris climatiques

Guerres, déplacements, pandémies, inondations ou sécheresses :  chaque crise affaiblit les filets de protection et renforce les normes qui contrôlent la vie des filles. Et quand le quotidien bascule, le mariage d’enfants augmente par trois effets domino très concrets :

  • Moins de revenus 
    Les revenus chutent, les prix grimpent, et certaines familles adoptent des « stratégies de survie » à court terme, comme marier tôt une fille pour réduire les charges ou accéder à une dot.
  • Fermetures d’écoles et services perturbés 
    L’école ne joue plus son rôle protecteur, le suivi des enseignant·e·s disparaît, et les filles n’ont pas accès à des informations sur la santé ou leurs droits qui pourraient les aider à éviter des unions précoces et des grossesses adolescentes. 
  • Insécurité accrue 
    Dans les contextes de conflit ou de catastrophe, l’exposition aux agressions et à l’exploitation augmente, certaines familles perçoivent alors le mariage précoce comme une protection face aux agressions et à l’instabilité. 

D’ailleurs, dans les contextes de déplacement forcé, ce risque explose. Au Liban, 23 % des adolescentes syriennes réfugiées ont été mariées, contre 8,5 % avant le conflit en Syrie. Au Yémen, même chose, plus de 65 % des filles sont désormais mariées avant l’âge de 18 ans, un pourcentage qui s'élevait à 50 % avant le conflit qui touche le pays depuis 2014.  

La crise climatique agit aussi comme un multiplicateur de risques. Sécheresses prolongées, inondations et récoltes perdues fragilisent les revenus, les familles cherchent des « solutions » de survie et le mariage précoce redevient une option. Les écoles sont détruites ou fermées après les catastrophes, les trajets pour l’eau ou l’abri s’allongent, l’insécurité augmente dans les zones de déplacement…  

Résultat, les filles sont coupées de l’école et de leurs réseaux de soutien, le risque de mariages d’enfants augmente et des années de progrès sont gommées. 

3 idées reçues à déconstruire sur le mariage des enfants 

« C’est juste culturel ou religieux »

Réduire le mariage d’enfants à la culture ou à la religion passe à côté de l’essentiel. La pratique s’enracine surtout dans l’inégalité de genre et le contrôle du corps et des choix des filles, puis elle est entretenue par la pauvreté, l’insécurité et l’absence de services. Toutes les confessions et cultures sont concernées, et, dans beaucoup d’endroits, des leaders religieux et communautaires défendent au contraire l’âge minimum de 18 ans et des unions fondées sur le consentement. Parler uniquement de « tradition » occulte les rapports de pouvoir qui maintiennent la pratique.  

« C’est uniquement la faute des parents »

Pointer les parents du doigt occulte une partie de l’histoire. Beaucoup agissent sous la pression des normes locales, de la peur des agressions, de la stigmatisation d’une grossesse hors mariage, ou d’un choc économique. Certain·e·s pensent, à tort, « protéger » leur fille, d’autres voient ce mariage comme une ultime mesure de survie pour la famille. Ce n’est donc pas toujours un choix désiré, mais souvent une décision prise dans un contexte contraint par la communauté et les circonstances de vie.  

« Une fille déjà mariée, on ne peut plus l’aider »

Faux. On peut et on doit agir. Des programmes dédiés permettent de reprendre l’école avec des horaires souples, d’accéder à des cours de rattrapage et à des formations professionnelles, d’avoir une place en crèche pour son enfant, de recevoir un soutien psychosocial et juridique, et d’accéder à des services de santé sexuelle et reproductive respectueux. Concrètement, une adolescente déjà mariée peut, par exemple, terminer un cycle scolaire, apprendre un métier, générer un revenu, participer aux décisions familiales et devenir à son tour ambassadrice de la prévention dans sa communauté. Ne soyons donc pas fatalistes ! 

Conséquences sur les filles 

Le mariage d’enfants ne met pas fin qu’à l’enfance, il chamboule tout un avenir. Ses effets se cumulent : rupture scolaire, perte d’autonomie économique, exposition accrue aux violences, grossesses précoces et risques pour la santé. Voici les impacts les plus fréquents. 

1. Rupture scolaire et économique 

Le mariage précoce coupe court à la scolarité des filles. Chaque année d’école perdue ferme des portes, limite les chances de trouver un job décent et augmente le risque de rester coincée dans la précarité.  

Mais l'école ne se résume pas aux cours et aux devoirs. Pour beaucoup de filles, c’est un lieu sûr, où elles se sentent en sécurité et confiance. Un endroit où elles apprennent à demander de l’aide, où elles se projettent dans l’avenir et où elles se tiennent éloignées des violences et des stéréotypes à l’égard des filles.  

Hariétou, au Togo : « Mon avenir ne se résume pas au mariage »

Hariétou avait 10 ans quand son père est décédé. Envoyée vivre chez un oncle au Togo, elle découvre un univers où la scolarité des filles compte peu. « L’éducation des filles n’est pas très valorisée. Les filles sont destinées au travail domestique et on ne nous consulte jamais pour les décisions importantes qui nous concernent. » 

À 16 ans, alors qu’elle est en classe de troisième, ses oncles décident de la marier sans son accord. Son professeur de sciences, qui anime le club des droits de l’enfant de l’école, alerte la direction, puis les autorités locales et l’ONG PAFED. Le mariage est annulé, ses oncles sont interpellés et Hariétou peut reprendre le chemin de l’école, jusqu’à obtenir son Brevet d’Études du Premier Cycle. 

Hariétou, 16 ans, a échappé au mariage forcé et lance sa propre petite entreprise au Togo.

Privée ensuite de soutien familial pour poursuivre ses études, elle choisit la voie de l’autonomie. Avec l’appui de PAFED et de Plan International, elle intègre un centre de couture, progresse vite et se classe parmi les meilleures apprenties. Une machine à coudre lui est confiée, pour lancer son activité et soutenir sa famille. « Je vais m’en servir pour gagner ma vie, devenir indépendante et soutenir ma famille. Je me sens de nouveau confiante. » 

Au Togo, l’âge légal du mariage est de 18 ans. Pourtant plus d’une fille sur cinq est encore mariée avant la majorité. L’histoire d’Hariétou montre qu’un réseau vigilant - école, autorités locales, associations - peut stopper un mariage forcé et ouvrir de vraies perspectives. 

2. Violences basées sur le genre 

Les mariages précoces augmentent aussi fortement le risque de violences basées sur le genre. Parmi les adolescentes qui ont déjà été en couple, près d’un quart, soit environ 19 millions, auront subi des violences physiques et ou sexuelles de la part d’un partenaire intime avant leurs 20 ans. Le phénomène existe partout dans le monde, avec des niveaux très élevés en Océanie (47 %) et préoccupants en Afrique subsaharienne (40 %). Il est également plus fréquent dans les pays ou régions à faible revenu, là où moins de filles sont scolarisées. 

Les adolescentes mariées se retrouvent souvent dans des unions inégalitaires, avec des hommes plus âgés, ce qui crée un déséquilibre de pouvoir. Elles ont peu de marge pour négocier des décisions essentielles, comme leur santé sexuelle et reproductive, la fréquence des rapports ou le nombre d’enfants. 

Et ça commence souvent dès la nuit de noces : violences, pressions, zéro liberté, grossesse forcée… À cela s’ajoutent des violences psychologiques, comme l’isolement social, l’interdiction de poursuivre ses études ou le contrôle des déplacements. 

Comme si cela ne suffisait pas, ces filles font face à plus d’obstacles pour chercher de l’aide. L’absence de revenus propres crée une dépendance financière, qui peut se traduire par du chantage, la confiscation de l’argent ou des papiers, et un contrôle quotidien des dépenses. Cette dépendance rend la fuite ou la demande d’aide beaucoup plus difficiles : comment partir quand on n’a pas de ressources, pas de crèche, pas de transport ? Au final, ces mécanismes entretiennent le silence et la vulnérabilité des filles mariées trop tôt. 

Edwina, en Tanzanie : « Le mariage m’a volé mon enfance, pas l’avenir de mes enfants »

Mariée à 16 ans, Edwina découvre une réalité bien différente de ce qu’elle imaginait : tâches domestiques, interdiction d’étudier ou de travailler, violences et isolement. « « Quand ma mère m’a dit qu’un homme avait offert une vache et une petite parcelle pour m’épouser, je pensais avoir une vie meilleure. Je ne m’attendais pas aux coups ni à l’humiliation… Je n’avais rien, sauf mes enfants », confie-t-elle.  

Abandonnée par son mari, elle vend des légumes au bord de la route pour survivre. En 2022, Edwina rejoint un groupe d’épargne soutenu localement. « J’ai appris à épargner, budgéter et planifier l’avenir de mes enfants. » Elle lance un petit commerce de maïs, cultive désormais 10 acres de terre et élève de la volaille. 

Edwina, 40 ans, et une de ses filles, qu’elle compte protéger du mariage d’enfants.

Mais, le plus important : ses filles peuvent aller à l’école : « J’ai peut-être raté ma chance d’étudier, mais je ne laisserai pas la pauvreté voler celle de mes enfants », conclut Edwina, dont la fille de 12 ans rêve de devenir infirmière. 

3. Grossesse précoce et risques pour la santé 

Dans la foulée, les mariages précoces entraînent très souvent des grossesses chez des filles dont le corps n’est pas encore prêt à supporter une maternité. Les adolescentes de 15 à 19 ans courent un risque beaucoup plus élevé de complications obstétricales, qui sont parmi les principales causes de décès avérées chez les adolescentes dans le monde. 

La grossesse précoce affecte aussi les nouveau-nés. Les bébés de mères mineures présentent davantage de risques de naissance prématurée, de faible poids à la naissance et de mortalité néonatale. En d’autres termes, le mariage des enfants compromet la santé de deux générations en même temps. 

Ces risques sont aggravés par le manque d’accès aux services de santé et d’information, comme les plannings familiaux. Les jeunes mariées ont rarement recours à des soins prénataux de qualité, connaissent peu leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive, et disposent de moins de moyens pour décider si elles veulent ou non une grossesse.  

Au Bangladesh, Aysha a été mariée à 14 ans à un homme de 21 ans, car la maladie de son père a plongé la famille dans la précarité. Un an plus tard, elle a donné naissance à son premier enfant.  

Mais grâce au programme Stop the Stigma, elle a désormais accès à des contraceptifs et aux connaissances nécessaires pour prendre son avenir en main. Aujourd'hui, à 18 ans, elle est déterminée à attendre avant d'avoir d'autres enfants et rêve d'une vie meilleure pour elle-même et la prochaine génération. 

Aysha a été mariée de force à 14 ans et a eu un enfant un an plus tard.

Où pratique‑t‑on le mariage d’enfants ? 

Chiffres clés 

Le mariage d’enfants est un phénomène qui existe encore aujourd’hui partout dans le monde, même dans des pays très développés, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni. Il touche beaucoup de communautés, d’ethnicités et de religions différentes. 

Pour saisir l’ampleur du problème, voici quelques chiffres clés : 

  • Plus de 650 millions de femmes et de filles en vie aujourd’hui ont été mariées avant 18 ans. 
  • Près d’1 femme sur 5, âgée de 20 à 24 ans, était mineure quand elle s’est mariée. 
  • La part de filles mariées avant 18 ans a diminué : on est passé de 1 sur 3 en 2000 à 1 sur 5 en 2021. Mais tout n’est pas en bonne voie pour autant : des crises récentes comme le COVID-19 risquent d’inverser cette tendance (lire plus loin). 
  • C’est en Asie du Sud que l’on trouve le plus grand nombre de filles-épouses, même si cette région du monde a enregistré une très forte baisse du mariage d’enfants au cours des dix dernières années. 
  • Aujourd’hui, c’est en Afrique subsaharienne que l’on recense le plus de mariages d’enfants : dans cette région, une fille sur trois est mariée avant l’âge de 18 ans.  
  • Au Niger, 2 filles sur 3 se marient avant 18 ans, ce qui en fait l’un des taux les plus élevés au monde. La loi fixe 15 ans pour les filles et 18 ans pour les garçons, avec des dérogations possibles (consentement parental, exemption présidentielle), mais la majorité des unions se font sous droit coutumier, ce qui affaiblit ces protections légales. 
  • En Belgique, la loi fixe l’âge du mariage à 18 ans, avec consentement mutuel obligatoire. Aucune exception n’est possible pour les mineur·e·s. 

"L'une de mes camarades de classe a été retirée de l'école par ses parents pour être mariée », explique Roukaya, 12 ans, membre de notre projet GirlEngage au Niger. « Avec les autres filles du comité, nous avons rendu visite au chef du village pour le lui signaler. Ensuite, il est allé voir les parents de la jeune fille et les a convaincus de changer d'avis. Notre rôle dans ce comité est de lutter pour les droits des filles de notre village et d'encourager les filles à rester à l'école."

Le Niger connaît le taux le plus élevé de mariages d’enfants. Via le projet GirlEngage, des filles comme Roukaya peuvent aider à prévenir ce fléau.

Et les garçons dans tout ça ? 

Quand on parle de mariage d’enfants, on pense surtout aux filles car elles sont les plus touchées. Pourquoi ? Parce que dans beaucoup de contextes, leur scolarité est moins valorisée, leur sexualité est davantage contrôlée et la pauvreté pousse des familles à les marier plus tôt. 

Mais en fait, les garçons ne sont pas totalement épargnés non plus : 

  • Dans le monde, environ 1 garçon sur 25 est marié avant ses 18 ans. 
  • Ces unions précoces les obligent souvent à abandonner l’école pour « assumer » un rôle d’adulte bien trop tôt. 
  • La pression sociale est énorme : beaucoup doivent devenir le « chef de famille », trouver un revenu et répondre à des attentes irréalistes, alors qu’ils sont encore adolescents. 

Même sans grossesse ni mêmes niveaux de violence, ces unions précoces leur volent l’adolescence, les sortent de l’école et limitent leurs projets. 

Tendances et crises récentes qui amplifient la pratique 

Jusqu’en 2020, la courbe allait dans le bon sens. La proportion de jeunes femmes mariées alors qu’elles étaient encore enfants diminuait nettement, surtout en Asie du Sud, grâce aux campagnes de sensibilisation, à la scolarisation accrue et à l’évolution des normes sociales. 

Mais la pandémie de COVID-19 a bouleversé cette dynamique : l’UNICEF a alerté que la combinaison de la pauvreté, des fermetures d’écoles, de l’interruption des services de protection et de la hausse des violences pourrait placer 10 millions de filles supplémentaires à risque de mariage d’ici 2030.  

Et devine qui paye le prix fort ? Les filles déjà en galère : pauvres, déplacées ou isolées. Les expert·e·s de l’UNICEF et l’UNFPA parlent d’une « polycrise » où conflits prolongés, changement climatique, crises alimentaires et ralentissement économique s’entremêlent, compliquant encore les efforts pour mettre fin au mariage d’enfants. Dans ce contexte, l’Afrique subsaharienne reste particulièrement exposée, sous une double pression claire : économique (pertes de revenus, hausse des prix et insécurité alimentaire) et sociale (normes patriarcales, contrôle de la sexualité des filles, violences et déplacements forcés). 

À ce rythme, la fin du mariage d’enfants reste hors de portée : le monde est à environ 300 ans d’en venir à bout. Un signal clair que l’ambition et les moyens doivent monter d’un cran. 

Comment mettre fin au mariage d’enfants ? 

L’approche de Plan International 

Nous intervenons dans plus de 80 pays, y compris dans de nombreux contextes de crise où le mariage d’enfants est le plus répandu, en combinant programmes communautaires et plaidoyer. Notre action repose sur plusieurs piliers : 

  • Programmes éducatifs : l’éducation, c’est la clé. Rester à l’école réduit considérablement le risque de mariage précoce et ouvre de vraies perspectives. Concrètement, Plan International aide au retour en classe après une crise. Nous maintenons aussi l’apprentissage en contexte d’urgence : classes temporaires, cours de rattrapage, soutien psychosocial...  Et nous accompagnons les jeunes mères pour faciliter la poursuite de leurs études. 
  • Mobilisation des communautés : Changer les normes se fait ensemble. Plan International crée des espaces sûrs, pour favoriser le dialogue, démonter les idées reçues et soutenir les filles. Les partages de témoignages, et les clubs de jeunes déclenchent un effet boule de neige : la communauté repère plus tôt les risques, soutient les enfants et les ados et défend leur droit de choisir leur avenir. 
  • Autonomisation économique : face à la pauvreté, Plan International propose des alternatives comme des formations professionnelles, l’apprentissage de compétences de vie et l’accès à l’épargne et au crédit, afin de donner aux filles et à leurs familles d’autres choix que le mariage précoce. Nous renforçons la capacité des filles à prendre des décisions informées et autonomes, afin d’agir pour rendre leur avenir meilleur..
  • Plaidoyer et protection : Plan International plaide auprès des pouvoirs publics, des bailleurs et des instances de l’ONU pour des politiques plus justes et développe des outils concrets de protection. En contexte de crise, par exemple, notre organisation, en collaboration avec le HCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés), conçoivent des directives pour identifier, accompagner et protéger les filles menacées de mariage forcé. Notre organisation forme aussi les acteurs de première ligne pour accompagner les filles tout au long du processus. 

Nous aidons à empêcher les mariages d’enfants avant qu’ils n’aient lieu, mais nous restons aussi aux côtés des filles lorsqu’il est trop tard. Souvent invisibilisées, les filles déjà mariées ont pourtant besoin de soutien.  

L’objectif est de les aider à reprendre la main sur leur vie, retourner à l’école ou suivre une formation, accéder à des soutiens concrets comme une garde d’enfants, rejoindre des espaces d’écoute et d’entraide et développer leur leadership dans leur communauté. 

Un travail d’émancipation, d’éducation et d’autonomie économique tout aussi essentiel pour elles que pour l’avenir de leurs enfants, si l’on veut enrayer la spirale des mariages d’enfants et de la pauvreté intergénérationnelle. 

Adiana, militante déterminée pour le droit des filles, en Indonésie 

Adiana voyait chaque année des camarades abandonner soudainement l’école, parce qu’elles se mariaient trop tôt. « Elles le faisaient sans trop réfléchir aux conséquences », se souvient la jeune fille. « Pour passer plus de temps avec leur partenaire ou parce qu’elles étaient forcées de se marier après être tombées enceintes. Parfois aussi le mariage était considéré comme une solution aux problèmes financiers. » En Indonésie, 16 % des filles sont mariées avant l'âge de 18 ans et 2% se marient avant leur 15e anniversaire.   

Adiana a quant à elle choisi une autre voie. En rejoignant le programme Let’s Talk, elle est devenue une militante déterminée pour les droits des filles. Ce groupe de jeunes se forme à ces questions, pour pouvoir ensuite sensibiliser ses camarades de classe. « Le travail que nous faisons porte peu à peu ses fruits », se réjouit-elle, convaincue que le changement vient de la sensibilisation et du courage de dire non. 

Adiana, 13 ans, se bat contre le mariage forcé dans sa communauté en Indonésie

Des avancées en chiffre :  

  • En Éthiopie, 35 mariages ont été empêchés en 2024 grâce aux dispositifs de signalement développés dans un seul projet. 
  • Au Népal, un projet a réduit de 43 à 33% les naissances non planifiées chez les adolescentes. 
  • 5,8 millions de filles ont accédé à des services de santé et droits sexuels et reproductifs en 2024. 
  • Notre plaidoyer a contribué à 26 évolutions de politiques et de lois en 2024 pour mettre fin au mariage d’enfants et aux pratiques néfastes. 

Dans le village de Rahimat, 18 ans, au Népal, les filles ne sont pas encouragées à poursuivre leurs études, mais plutôt à se marier. Et il n'est pas courant quelles s'expriment. Mais Rahimat est déterminée à être la porte-parole de celles qui ne peuvent pas défendre leurs droits, en tant que vice-présidente du National Adolescent Girls Network, mis en place par un partenaire local de Plan International, le Child Workers in Nepal Concerned Centre. Le réseau offre à deux ou trois filles de chaque district la possibilité de se réunir et discuter des questions qui les concernent dans un espace sûr. L’occasion de faire entendre la voix des filles de sa communauté et lutter contre le mariage d’enfants. 

Rahimat manifeste contre le mariage d’enfants et la traite d’êtres humains dans son village au Népal.

Ce que les gouvernements peuvent changer 

Les États ont la responsabilité d’établir et de faire respecter un cadre légal solide.  Conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant - qui définit l’enfant comme toute personne de moins de 18 ans - fixer l’âge minimum du mariage à 18 ans et garantir un consentement libre et éclairé sont des conditions indispensables. Mais cela doit aller de pair avec : 

  • un enregistrement systématique des naissances pour prouver l’âge réel des personnes et permettre d’empêcher des mariages illégaux 
  • l’application stricte des lois existantes, 
  • des investissements dans l’éducation gratuite et inclusive, 
  • des systèmes de santé sexuelle et reproductive accessibles, 
  • des mesures de protection sociale et de lutte contre les violences basées sur le genre. 

En Belgique, par exemple, la loi fixe l’âge minimum du mariage à 18 ans et exige le consentement mutuel des deux époux. 

Changer les normes : l’affaire de tous·tes  

Il y a la loi, mais il y a surtout les normes sociales. Le match se joue déjà à l’échelle du quartier et de l’école. C’est l’affaire de tout le monde ! Dialogues entre générations, engagement des leader·euse·s communautaires et religieux·ses, mobilisation des garçons et des hommes comme alliés : autant de leviers qui font reculer le mariage précoce, plus vite et plus loin. 

Le leadership des filles est aussi au cœur du changement. Quand on les écoute et qu’elles participent aux décisions, elles passent de spectatrices à actrices du changement. Qu’une ado anime un club à l’école, qu’une jeune femme mariée s’exprime dans son village, chaque voix qui s’élève déplace les lignes. Et c’est encore plus crucial en période de crise climatique ou économique, où les filles sont parmi les plus touchées, mais aussi parmi celles et ceux qui portent des solutions. 

Un exemple ? La Plateforme des droits des filles au Vietnam, qui rassemble jeunes, associations et leaders pour faire pression sur les décideurs et instaurer un environnement plus protecteur. Le changement ne vient pas seulement d’en haut : il se construit aussi sur le terrain, par la voix et l’action des filles elles-mêmes, soutenues par leurs allié·e·s. 

Comment agir dès aujourd’hui ? 

Mettre fin au mariage des enfants n’est pas un rêve lointain, c’est un combat qui se gagne avec des actions concrètes, ici et maintenant. Chacun·e peut y contribuer. Toi aussi tu peux faire peser la balance, même sans gros budget. 

Amplifie les voix des filles en partageant des témoignages vérifiés, des podcasts et des vidéos, en invitant une intervenante dans ta classe ou ton club, ou en organisant un ciné débat pour donner la parole aux premières concernées.  

Tu peux aussi soutenir des associations comme Plan International, par un don ponctuel ou mensuel, du bénévolat, en mettant tes compétences à disposition, ou en lançant une collecte entre ami·e·s. Chaque geste compte. 

Agis maintenant : partage cet article, parle-en, et surtout, soutiens nos programmes. Chaque geste compte pour reculer, puis éradiquer, le mariage d’enfants. 

Chaque fille a le droit de choisir si, quand et avec qui elle se marie, et le pouvoir de dire « pas maintenant », « pas lui » ou « jamais ».  

Soutiens les filles pour qu’elles reprennent la main sur leur avenir, dès aujourd’hui. 

FAQ

Quel est l’âge légal du mariage dans le monde ?

La référence internationale fixe 18 ans et exige un consentement libre et éclairé. En pratique, les lois diffèrent selon les pays, et de nombreuses dérogations maintiennent des unions précoces. En Belgique, l’âge légal est 18 ans, avec le consentement des deux personnes. 

Combien de filles sont concernées chaque année ?

12 millions de filles se marient chaque année avant 18 ans. C’est 1 fille sur 5 ! Si le mariage forcé était une pratique en diminution jusqu’il y a peu, le monde n’est pas sur la bonne trajectoire pour l’éliminer d’ici 2030, notamment à cause des crises, de la pauvreté et des normes de genre. 

Le mariage d’enfants est‑il légal en Belgique ?

Non. L’âge légal est 18 ans, avec consentement libre des deux personnes. Des dérogations judiciaires restent possibles dans des cas exceptionnels, sous contrôle du tribunal. Les mariages forcés sont en revanche interdits.  

Quelle différence entre mariage forcé et mariage arrangé ?

Un mariage forcé a lieu sans consentement libre et éclairé : il résulte de pressions, de menaces ou de violences. Un mariage arrangé implique une mise en relation par les familles, mais les deux personnes sont libres d’accepter, de refuser ou de rompre.