Mariage d’enfants : quand le mari devient violent
Publié le 03/12/2025
La majorité des violences contre des femmes et des filles sont commises par des hommes qu’elles connaissent. Que faire alors quand un mariage enferme les filles et les (jeunes) femmes dans une relation où elles sont à la merci d’un mari violent ? Vers qui se tourner ? Comment quitter cette relation et se reconstruire ?
Chaque année, 12 millions de filles sont mariées avant leurs 18 ans. Pour beaucoup, le mariage marque le début d’un cycle de violences : près d’un quart des adolescentes ayant déjà été en couple ont subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur partenaire avant 20 ans. Cela concerne 19 millions de filles, soit plus d’une fois la population de la Belgique.
Ces unions précoces et les agressions qui les accompagnent ne sont pas des événements isolés. Elles sont le reflet d’un système qui opprime les filles et les femmes, et banalise la violence envers elles.
Découvre ici plus d’infos pour comprendre ces violences basées sur le genre.
Différentes formes de violences sexistes
Toutes ces violences ont un même objectif : retirer aux filles le contrôle de leur corps, leurs choix et leur avenir. Elles s’exercent sous plusieurs formes :
- Violences physiques : elles marquent le corps et laissent aussi des séquelles psychologiques.
« Je pensais avoir une vie meilleure, mais je ne m’attendais pas aux coups ni à l’humiliation »
- Edwina, mariée à 16 ans, Tanzanie.
- Violences sexuelles : souvent imposées sous couvert du « devoir conjugal », ce qui n’a aucune base légale ni morale.
Souvent non désirées, les grossesses précoces mettent en danger la santé des filles et des bébés, et les isolent socialement. Le corps d’une fille de 13 ans n’est pas encore suffisamment formé pour une grossesse, ce qui pose un risque à l’accouchement.
En Equateur, Kandy* est tombée enceinte et ne pouvait pas s’échapper car son mari qui lui avait interdit de continuer ses études : « Je n’avais pas d’autre choix que de rester. Je ne voulais pas, car je savais qu’il y aurait d’autres violences plus tard. »
- Violences psychologiques : insultes, manipulations, menaces ou isolement.
Au Paraguay, le mari d’Aurora* l’a isolée du reste du monde après une union informelle. Il l'enfermait dans une pièce pendant qu'il travaillait, lui refusait des vêtements et lui imposait le silence : « Si je disais ou faisais quelque chose qui ne lui plaisait pas, il menaçait de me tuer, » se souvient-elle.
- Violences économiques : privées d’école, beaucoup de filles deviennent financièrement dépendantes de leur époux, qui contrôlent leurs dépenses et leurs revenus.
« Quand je recevais mon salaire, il me le demandait. Je n'avais plus d'argent. Tout ce que nous gagnions servait à rembourser ses dettes. » - Flor*, mariée à 15 ans (union informelle), au Pérou.
Pourquoi le mariage d’enfants engendre ces violences
Ces agressions ne sont jamais des accidents, mais bien des violences systémiques. Elles découlent d’un ensemble de normes patriarcales qui poussent les hommes à opter pour une forme toxique de masculinité, placent les filles en position d’infériorité et les empêchent de se défendre.
« Les survivantes n'ont pas le courage de signaler leur cas, car elles craignent les réactions négatives de la communauté. » - Chikondi, 20 ans, Zambie.
Pourquoi les filles mariées avant 18 ans sont-elles plus exposées ? Plusieurs mécanismes s’additionnent :
- Inégalités de genre
On attend encore souvent des filles qu’elles se soumettent et des hommes qu’ils dominent, notamment en faisant usage de violence.
- Pouvoir et contrôle sur le corps et la vie des filles
À cause de normes patriarcales, beaucoup d’hommes pensent que leur épouse leur appartient et qu’ils peuvent décider de tous les aspects de sa vie, y compris quand avoir des relations sexuelles ou la gestion financière du foyer.
- Écart d’âge dans le couple
Dans un grand nombre de mariages d’enfants, le mari est plus âgé, parfois même deux à trois fois plus que l’épouse. Cet écart crée un déséquilibre de pouvoir et une dépendance.
- Déscolarisation
Sans école, les filles n’ont plus de lieu sûr où elles se sentent en confiance, apprennent à s’affirmer, trouvent des allié·es et se protègent des violences.
Ce que fait Plan International
Nous agissons pour protéger les filles, mais aussi pour changer les mentalités afin d’en finir avec les violences et les mariages précoces.
1. Créer des espaces sûrs
Dans nos « Safe Spaces », les filles peuvent parler librement et être écoutées avec bienveillance. Elles ont accès à un soutien psychosocial, des services de santé adaptés et des informations sur leurs droits et leur santé sexuelle et reproductive.
En Guinée, ces espaces ont été une bouée de sauvetage pour Marlyatou, 19 ans : « Je me suis sentie encouragée parce que je peux m’exprimer librement et être écoutée sans jugement. »
2. Garantir l’accès à l’éducation
L’école protège du mariage d’enfants et des violences sexistes.
Nous agissons pour lever tous les obstacles rencontrés par les filles, via :
- des bourses d’études
- un moyen de transport sûr
- des cours de remédiation en cas de retard scolaire
3. Renforcer le pouvoir d’action des filles
Nous sensibilisons les communautés et militons en faveur de changements politiques afin de lutter contre les violences sexistes. Nous organisons également des ateliers pour aider les filles à se défendre et développer leur leadership.
Désormais bénévoles, Aurora et Flor animent elles-mêmes ce type d’ateliers : « Nous y parlons beaucoup de nos droits, de comment nous respecter et prendre soin de nous, comment identifier les signes de violence et d'injustice, et comment nous exprimer, » explique Aurora.
Amères sur les choix posés pour elles par d’autres, mais heureuses de pouvoir reprendre leur vie en main, ces filles peuvent à nouveau avancer, la tête remplie de rêves :
« Je veux étudier pour que ma fille n'ait pas à vivre ce que j'ai vécu, » dit Flor. « Je veux réussir pour nous deux. »
« Personne ne peut nous arrêter, » dit Kandy. « Il suffit simplement de donner la priorité à nos rêves... Je crois en moi, et je ne laisserai personne douter de mes objectifs. »
Changer les choses demande du courage, de la solidarité… et des allié·es.
* Les prénoms de ces filles ont été changés pour protéger leur vie privée.